Nous le savions pas encore, mais le 14 mars 2020 fût notre dernière séance de zazen en liberté.
Nous nous sommes réunis, comme d’habitude, une dizaine de membres, dans une salle de médiation à Rosny-sous-Bois comme depuis des années. 2 jours plus tard, l’allocution officielle « Nous sommes en guerre » qui annonçait le confinement national, nous a relégué à notre domicile. Pour la séance du samedi suivant, confiné donc, nous avons médité tous chacun chez nous, à la même heure. Pendant 3 mois ce fut le début d’une pratique nouvelle.
Retour d’expérience de 3 mois de zazen confiné chez soi :
Pour cette première séance de méditation confiné nous étions loin d’imaginer que notre pratique allait vite évoluer. C’est après plusieurs semaines de zazen en solitaire, vers la mi-avril, que notre groupe décide d’essayer un dispositif de retransmission vidéo de nos méditation en live. L’inspiration est venue du groupe zazen de Sceaux, lequel a débuté très tôt ce dispositif 100% digital, via internet, certes, nouveau et expérimental mais avec un réel succès.
Faire zazen via internet, comment ça marche ?
Nous avons opté pour la démarche suivante : nous nous réunissons les samedis matin à 10h via l’application de visio-conférence Zoom (après avoir aussi essayé l’application Jitsi, moins stable).
Comme en zazen classique mais chez nous, nous revêtons notre kimono noir, nous nous asseyons sur notre zafu face à un mur et nous nous filmons tous camera posée derrière nous. Une tablette (Android) accrocuhée à un trépied de photo est très pratique. Utiliser le smartphone est une fausse bonne idée : ayant besoin d’utiliser le wifi ou la 4G, le téléphone ne sera donc pas en mode avion et peut donc, potentiellement sonner – vibrer – pendant la méditation. Quoi de plus terrible que d’être dérangé par d’incessants concerts de tweets ?
La caméra film le pratiquant de dos pour que l’enseignant puisse voir chacun et agir sur la posture si besoin. Nous coupons tous le son (sauf l’enseignant) afin d’éliminer tout bruit parasite qui viendrait perturber la quiétude de la méditation.
La séance ensuite se déroule exactement comme une séance de zazen classique. Le son de la cloche, le sampai à la fin et l’hannya shingyo (les pratiquants auront ré-ouvert leur micro).
Un moment d’échange face caméra, micros ouverts pour tous, vient conclure la séance de méditation.
Zazen en ligne ça dépanne mais c’est loin d’être l’idéal.
Ça ne remplace pas la rencontre physique : bonjour les contraintes techniques. Déjà, le son retransmis est plutôt mauvais, soit il est faible, soit il est saccadé… quand il fonctionne. Il m’est arrivé quelques fois de ne plus rien entendre du son venant de l’appareil de l’enseignant et de me demander « l’appli à plantée » ?! Du coup, je cogite de longues minutes, et je me retourne pour voir si l’écran diffuse toujours. Certains n’ayant pas entendu la cloche pour le kin-hin continuent zazen, longtemps. Et quand il arrive que l’appli plante complètement, tout se coupe, c’est particulièrement dérangeant pour celles et ceux qui se retrouvent déconnectés de la méditation.
Notre enseignant à finalement rajouté un micro externe branché à son ordinateur portable. Le son, toujours faiblard, est d’un peu meilleur qualité.
L’immersion dans la vie privée.
Vous serez obligé soit de faire un bon petit ménage avant d’ouvrir votre caméra sans quoi vos amis auront une vue plongeante sur votre bordel du quotidien… C’est quoi cette paire de chaussette qui traîne ?! Il faudra penser à ses membres de la famille qui devront être silencieux pendant 1h30.
Au-delà des contraintes techniques.
Ma concentration, mon engagement personnel, la qualité de mon lâchez-prise est identique à une pratique non confinée. Peut-être un peu de mieux, sans l’effet de groupe, la pression est moins importante. Si je veux bouger je bouge, ça gênera personne.
C’est l’avant et l’après qui diffèrent, il est parfois facile de renoncer à une séance de méditation en prétextant un quelconque emploi du temps chargé ou d’un débit internet récalcitrant. Sans une réelle (ré)organisation adaptée à la pratique à domicile il est un peu difficile de tenir sur la durée. C’était plus facile en mode confiné, nos rendez-vous ayant miraculeusement été dissout par un grand vide salvateur, plus d’excuse.
Puis un dilemme survient. Un ami, moine, refusant cette pratique digitalisée, m’informe : Zazen online n’est pas bon pour le réchauffement climatique !
Imaginez, toute la consommation électrique, les logiciels, les composants électroniques que cela nécessite pour une simple méditation ? Selon l’ADEME (la page de leur étude à mystérieusement disparue, sinon lire l’article du Monde ici), un simple envoi d’une photo par e-mail consomme une ampoule (à incandescence) pendant 20 minutes soit 19g de rejet de CO2. Un e-mail voyage en moyenne 15.000 km avant d’atteindre son destinataire. Alors j’ai fait un rapide calcule en comparant zazen présentiel vs. internet.
Bilan carbone d’une méditation online* = 3kg de CO2 rejeté.
Bilan carbone d’une méditation en présentiel** = 5kg de CO2 rejeté.
* soit 1h30 diffusé (qualité vidéo bien inférieur à la HD) = 2x 30’ méditation, 1x 15’ de kin-hin, 1x 15’ de sutras
** Sur la base d’une distance de 20km en voiture A/R parcourue par un pratiquant.
Source données :
>> https://www.livemint.com/companies/news/half-hour-of-netflix-leads-to-emissions-of-1-6kg-of-co2-equivalent-climate-experts-11572240109579.html
>> https://sciencepost.fr/un-film-d1h30-en-streaming-equivaut-a-un-trajet-de-presque-20-km-en-voiture/
Alors, le zazen online, on continue ?
En fait, j’ai eu une chance énorme : de continuer la pratique de la méditation sur une plus longue durée et avec divers enseignants dont l’engagement est fort. Sans ça, et comme habituellement les périodes d’été, c’est peu probable que ma pratique ait été soutenue.
Mais en supposant qu’une synergie se crée entre les individus d’un groupe réunis dans un même lieu, les liens d’interconnexion entre ces individus sont-ils moins forts s’ils pratiquent à distance ? La question reste ouverte.
Le plus important n’est-il pas d’avoir conscience que cette foi qui se manifeste chaque jour par la pratique de l’esprit des Bouddhas et des Patriarches, et qui nous unis tous, finira par réaliser le premier des quatre vœux de Boddhisattva : aussi nombreux que soient les êtres, je fais vœux de les sauver tous.
Le confinement a été une occasion unique pour découvrir comment pratiquer plus dans son domicile à l’aide des nouvelles technologies.
La vidéoconférence (technique permettant de voir et dialoguer avec son interlocuteur à travers un moyen numérique) a permis cela à toutes celles et ceux disposant d’un appareil comme : un smartphone, une tablette ou un ordinateur.
Ces moyens représentent de mon point de vue, les outils du futur ; ils m’ont réellement aidé à me maintenir dans « l’ici et le maintenant » presque tous les jours.
Tantôt dès le matin à 7h avant d’aller travailler, soit en fin d’après-midi au retour d’une journée de labeur, nous étions tous ensemble, assis, dans le silence et dans l’immobilité, avec de l’autre coté de la ligne l’enseignant qui nous guide exactement comme dans une salle de dojo.
Une fois je sais que nous étions réunis au même moment avec des pratiquants du Portugal et de l’Allemagne. Je sentais en cette série d’instants de pratique de recueillement corps/psyché/esprit simultanément dans les trois dimensions, ni espace ni temps.
Incroyable mais vrai les barrières disparurent… Dans cette méditation, chez soi, la communion (communication) universelle c’est établie, tous unis !